Conférence : achats responsables, comment ils font bouger les lignes ?

Le 27 juin, l’AFNOR a organisé un colloque sur les achats responsables à l’ESCCI d’Evreux. Après une introduction de Bruno Frel de l’AFNOR et de Thomas Lesueur, commissaire général au développement durable, trois tables rondes étaient proposées : Les clés d’une démarche d’achat durable, Prendre en compte la réduction carbone dans ses achats : quelles pratiques ? et Comment intégrer l’économie circulaire dans ses achats ? J’ai participé à la troisième table ronde.

Le sujet des achats est importants. Les achats permettent en effet de soutenir l’expérimentation de nouveaux modèles économiques par les fournisseurs. Thomas Lesueur a rappelé à ce titre que la commande publique représente 8% de la richesse nationale et a un pouvoir de transformation des acteurs économiques. Cela suppose toutefois de faire évoluer les processus d’achat qui ont été normalisés, standardisés dans le contexte du modèle économique dominant actuel et qui lui sont donc étroitement associés. L’Institut Européen de l’EFC et le CIRIDD ont animé ces dernières années un atelier sur la commande publique qui a permis de faire des propositions en ce sens. Cf. ce guide publié par l’ADEME.

Pourtant l’impression globale à l’écoute des interventions lors de ce colloque n’était pas du tout alignée sur les réflexions portées par le réseau des acteurs qui travaillent sur l’EFC.

En effet, les achats responsables étaient présentés dans un objectif central de vigilance et de maitrise de la chaine d’approvisionnement. Le pouvoir de transformation est exercé via ce choix de fournisseurs vertueux mais sans remise en cause des processus d’achat, de ce qui est acheté. Acheter des produits ou des prestations standardisées avec une recherche de prix le plus bas comme seul horizon ne permet pourtant pas de fournir aux fournisseurs un contexte qui leur permette de faire évoluer leurs modèles économiques.

La vidéo ci-dessous illustre très bien l’impact sur le mode de commercialisation pour une entreprise qui fait évoluer son modèle économique de la vente de produits en quantité à la vente d’un service et finalement l’évolution nécessaire de sa relation avec les acheteurs :

Les achats tels qu’ils existent aujourd’hui ne permettent pas non plus de traiter la situation paradoxale à laquelle sont confrontés les fournisseurs d’énergie, d’eau ou les entreprises qui gèrent les déchet. Tous, ils doivent construire le développement de leur entreprise dans un contexte de recherche de réduction de leurs activités productives… et les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui nous imposent d’avoir le même objectif pour les fabricants de voitures, même si elles sont électriques, et de tous les produits fabriqués…

Les propositions de l’EFC sur ce sujet consistent à faire évoluer le métier, par exemple de gestionnaire des déchets, pour prendre en charge l’objectif de réduction de la production des déchets. Ou pour le fabricant de voitures, de prendre en charge la construction de nouvelles réponses aux besoins de mobilité.

J’ai évoqué ce point lors de mon intervention mais j’ai eu l’impression que ce que je disais était inaudible. Le modèle économique dominant repose sur la spécialisation des acteurs et manifestement l’idée que celui qui traite les déchets puisse participer aux réflexions et même prendre en charge des activités de réduction des déchets n’était pas compréhensible. Pas plus que l’on ne peut imaginer un fabricant de voitures qui travaille à la réduction du parc roulant !

Un autre axe était évoqué lors la 2e table ronde sur la décarbonation. Les intervenants occupaient des responsabilités opérationnelles dans leurs entreprises, tous ont mesuré leur bilan carbone scope 3 et leur conclusion est qu’une part (très) importante vient des achats. Il y a donc un fort enjeu à réduire la part du bilan carbone importé par ce biais. L’éco-conception, le sourcing de bio-matériaux, la réduction du gaspillage, l’utilisation d’emballages réutilisables ont été évoqués pour progresser sur ce sujet. Outre qu’il n’est pas certain que cela suffise au regard des enjeux de décarbonation qui s’imposent à nous, les échanges entre les intervenants ont rapidement évoqué la crainte des conflits d’usage à venir sur les matériaux (le bois dans les témoignages présentés). Que peut devenir un fabricant de meubles si le bois vient à manquer ? Notre proposition est de faire évoluer son modèle économique pour prendre en charge l’objectif de réduire si ce n’est le nombre de placards ou de commodes détenus par les terriens, de réduire le taux de leur renouvellement pour réduire drastiquement la ressource bois nécessaire à son activité.

On voit au travers de ces exemples que, pour tenter de sortir de ces paradoxes ou impasses il est nécessaire de revisiter son modèle économique, et d’oser la recherche d’une réponse servicielle aux besoins adressés par l’entreprise, sans éliminer le produit mais en sortant d’une logique de volume de produits comme seul horizon.

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