Le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est bien connu et notamment ses rapports qui sont maintenant annoncés dans les médias. Le GIEC Normand l’est moins. Olivier Cantat, Géographe climatologue à Caen, a accepté de prendre le temps d’un échange avec des fresqueurs normands.
Les fresqueurs, animateurs de la fresque du climat sont organisés en réseaux. Dans le cadre du réseau normand, une rencontre a été organisée avec Olivier Cantat pour parler changement climatique en France et en Normandie.
Olivier Cantat est membre du GIEC Normand, le Groupe Interdisciplinaire d’Etude du Climat créé en 2019 dans l’objectif de « régionaliser les connaissances scientifiques et techniques, de les diffuser auprès des acteurs régionaux et de la population pour que chacun puisse anticiper les changements climatiques et engager les actions nécessaires pour s’y adapter ou les atténuer ». Il est composé de 23 personnes, chercheurs à Caen, le Havre ou Rouen et experts techniques. Il s’intéresse au changement climatique mais aussi à la qualité de l’air, à la biodiversité, aux sols, etc.
Après un rappel des données qui caractérisent le changement climatique au niveau de la planète, Olivier a partagé des informations pour la France et pour la Normandie.
En France, un réchauffement de 1°C depuis la fin des années 1980 est observé et l’année 2022 a été la plus chaude que la France métropolitaine ait jamais mesurée.
En Normandie, les comparaisons entre les années 1991-2020 aux années 1961-1990 permettent d’observer :
- une augmentation de 1°C et 2022 est une année record comme pour l’ensemble du territoire français
- A Caen, il fait visiblement moins froid l’hiver et plus chaud l’été avec toujours une variabilité forte d’une année sur l’autre.
- Ainsi le nombre de jours où la température descend sous 0°C a diminué de façon importante passant de près de 38 jours par an à moins de 29 aujourd’hui et il n’y a pas eu de jours de très grand froid depuis 2013 (avec un thermomètre sous -10°C).
- Inversement les jours de forte chaleur (>=25°C) sont passés de près de 16 jours par an à près de 24 et les très fortes chaleurs (>35°C) ont été observées 6 années sur les 8 dernières alors que leur fréquence était d’environ une tous les 10 ans.
- En revanche, on n’observe pas de tendance claire sur les précipitations qui restent très variables d’une année sur l’autre : du simple à plus du double.
Dans une dernière partie, Olivier a partagé avec nous des éléments de perspectives climatiques en Normandie à l’horizon 2100, en l’état actuel des connaissances scientifiques.
La construction de ces prévisions s’appuie sur les scénarios du GIEC International pour les décliner sur des échelles plus fines jusqu’à une maille de 10km, ce qui amène à une grille avec 462 points pour couvrir la Normandie et les différents climats qui la caractérisent.
Selon ces travaux, le scénarios optimiste dit RCP 2.6 aboutirait à une augmentation globale de la température de 1,1 °C et à des changements certains mais sans conséquences majeures et irréversibles sur le fonctionnement des différents systèmes naturels et anthropiques.
En revanche le scénario RCP 8.5, qui correspond à la prolongation des émissions actuelles aurait de multiples et fortes conséquences sur :
• le littoral : submersions, recul du trait de côte
• les ressource en eau (déficits/excédents saisonniers, progression du biseau salé dans les nappes)
• la biodiversité (espèces qui ne toléreraient pas le nouveau climat et apparition de nouvelles espèces)
• l’agriculture (perturbation des cycles et assèchement des sols plus ou moins important selon leur composition)
• la santé (de très fortes chaleurs et des « nuits tropicales » plus fréquentes…)
•…
Le GIEC Normand relève également que les conséquences ne seront pas les mêmes selon les territoires Normands avec un impact le plus important au sud-est de la Région. Ainsi le modèle de prévision présente dans le cas du scénario pessimiste, sans politique climatique, 60 à 80 jours de chaleur > 25°C par an dans le sud-est de la Région contre 15 à 30 jours dans le Cotentin à comparer avec la moyenne des années 1976 – 2005 qui est de 15 jours. Du côté des extrêmes, des T° supérieures à 45°C pourraient être observées à Alençon, entre 40 et 45°C à St-Lô et « seulement » 30 à 35°C à la Hague.
Cette position favorable du Cotentin, exception sur tout le territoire français en dehors des hautes montagnes, pourrait en faire un nouvel « eldorado » recherché. Une situation potentielle à anticiper en termes d’aménagement du territoire.
D’autres paramètres doivent être anticipés et notamment :
- une possible évolution des saisons avec d’un côté des étés plus chauds et secs et d’un autre des hivers plus doux et plus arrosés
- la disparition des espaces hyperhumides et l’assèchement estivale de certaines plaines, voire la disparition des zones humides dans le scénario pessimiste
- Des îlots de chaleur urbains plus
- des épisodes de précipitations intenses plus fréquents avec les impacts en termes de ruissellement notamment
- des risques accrus de submersions du fait de la montée du niveau de la mer
La culture du blé dans ce contexte à venir a fait l’objet d’une thèse. La réponse n’est pas simple puisque d’un côté la chaleur plus précoce devrait permettre une croissance plus précoce, donc un cycle plus court , suffisamment pour que la récolte soit faite avant les trop fortes chaleurs ?
Beaucoup de chantiers nous attendent pour les années à venir. Outre la réduction de nos émissions de carbone, indispensable pour ne pas prendre le risque su scénario pessimiste, il nous travailler à :
- atténuer les îlots de chaleur urbain,
- planter des arbres qui pourront survivre aux conditions climatiques dans 50 ans
- sélectionner des cultures compatibles avec les conditions climatiques à venir
- préserver les terres agricoles et particulièrement celles qui ont la capacité de retenir plus d’eau et donc de mieux résister à l’assèchement
- …
On peut retrouver des informations sur ces travaux sur la chaine youtube du GIEC Normand.