L’économie de la fonctionnalité invitée au Moho à Caen

Invitée par le Moho Impact Club et la CPME Calvados, l’économie de la fonctionnalité était au Moho le 1e juin. L’ADEME qui soutient son développement et des dirigeants qui l’expérimentent étaient présents : Décathlon Belgiquue Lormauto et Mai’be.

Luc Teerlinck de Décathlon Belgique a partagé l’expérimentation « We play circular » réalisée avec quelques dizaines de clients et deux points de vente en Belgique. Il s’agit d’un système de mise à disposition d’équipements sportifs avec un abonnement mensuel. Le principe est que le client, en fonction de son niveau d’abonnement peut avoir chez lui des équipements qui représentent une valeur cumulée par exemple de 1000€. En fonction de ses besoins (une semaine à la mer ou au ski) et de leur évolution (enfants qui grandissent, qui changent de sport…), le client peut ramener des équipements et en prendre d’autres. Le 2e principe est que dès lors que l’équipement souhaité existe en occasion, alors le client accepte de le prendre.

J’ai aimé :

  • cette expérimentation, même sur un périmètre très réduit, a permis de toucher au réel et a ouvert énormément de questions et d’idées ou d’opportunités à étudier.
  • parti d’une idée d’économie de la fonctionnalité : vente de l’usage plutôt que vente du bien, le projet se dirige doucement vers l’EFC avec par exemple des réflexions sur la place des clubs de sport qui pourraient être impliqués. Donc des coopérations à développer pour tenir compte de façon fine des besoins des bénéficiaires et dans un encrage territorial fort.
  • dans sa synthèse, Luc Teerlinck a listé, sans les identifier comme telles, les ressources notamment immatérielles nécessaires pour mener une telle transformation, qu’il a appelé ressources précieuses et qui sont toutes des points clés pour l’EFC, justifiant des investissements pour les développer :
    • La confiance
    • La santé (créativité, enthousiasme)
    • La réflexivité
    • La coopération

Je suis plus réservée sur l’enthousiasme de Luc Teerlinck qui extrapole une rentabilité potentielle 10 fois supérieure à la rentabilité actuelle. En effet, le système actuel repose sur des positions fortes d’acteurs comme Decathlon qui en tirent un avantage financier important. Or développer des coopérations territoriales sur la durée impose de tenir compte, vraiment, des contraintes des autres acteurs, de leur donner une place dans la gouvernance, de réfléchir avec eux au partage de la valeur monétaire… bref, de lâcher cette position dominante. En revanche, la valeur réelle créée pourra être bien supérieure à ce qui est aujourd’hui, par exemple une plus grande accessibilité de tous les sports, tout en internalisant les enjeux de sobriété matière.

Enfin, la centralité du travail n’a pas (encore) été identifiée au travers de ce test. Les évolutions nécessaires pour la « reverse logistics » ont été évoquées mais du point de vue de la mise en place de nouveaux flux de produits et de nouvelles tâches, de nettoyage et de réparation à prendre en charge en charge. Or la transformation des métiers des personnes qui aujourd’hui vendent des produits ou contribuent à leur vente, ne sera pas seulement une question de tâches différentes à exercer mais bien de nouveaux métiers à inventer et expérimenter. En effet, ce type de modèle résolument serviciel nécessite un engagement beaucoup plus important des personnes dans la relation avec les clients, avec les partenaires comme le club de sport. Une évolution à rebours de la logique actuelle de normalisation et de standardisation (voire d’informatisation) des tâches.

Un grand et beau travail a été réalisé avec ce projet « We play circular » ! Une expérimentation plus large est espérée. Alors, forcément, il y aura des frottements, des choses qui résistent, des doutes qui se présenteront, etc. comme dans tout projet. Se faire accompagner par des personnes qui sont en mesure d’analyser ce qui se joue, qui peuvent s’appuyer sur d’autres expérimentations dont les enseignements ont été tirés, est un atout pour ne pas se faire rattraper par le modèle dominant et réduire les innovations engagées.

Nathan Hamelin a présenté la toute nouvelle entreprise Lormauto qui va commercialiser cette année ses premières voitures électriques fabriquées à partir de voitures à essence dont le moteur a été changé.

J’ai aimé l’idée que Lormauto pourra peut-être me fournir une voiture pour aller prendre le train ou faire mes courses dans mon territoire rural, à un prix acceptable.

Mais je n’ai pas besoin d’une voiture tous les jours et pour de courtes distances, je fais souvent 10 à 12km, un véhicule entre le vélo et la voiture serait plus pertinent. Alors pour répondre non plus seulement à la question de la voiture elle-même mais à la question de la mobilité dans mon village et ailleurs, il faudra que Lormauto cherche à expérimenter sur d’autres domaines. S’il ne le fait pas, s’il ne cherche pas un levier de développement qui ne soit pas strictement la vente de voitures, alors il sera pris dans la logique de volume du système économique actuel. Avec un système tout voiture individuelle qui n’évolue pas, il sera difficile de développer des alternatives et le bilan matière (carrosserie, pneus, etc.) restera élevé.

Mai’be, la maison du bien-être à Caen a été créée en 2020 par Amandine TIERZ SOTO. Elle répond à des vrais besoins tant des thérapeutes santé / bien-être que des bénéficiaires en proposant un lieu partagé dans lequel les Caennais peuvent trouver une large offre de services.

Il s’agit donc surtout de mutualisation, des locaux, des compétence ou de l’interconnaissance qui permet du soutien. Aller vers la fonctionnalité « santé » supposera, si cela est souhaité, de questionner les enjeux des bénéficiaires concernant ces thérapies pour développer ce que nous appelons une offre intégrée qui ne soit pas la juxtaposition des offres des locataires du lieu. Faute de cette réflexion, le risque est que les thérapeutes qui grandiront quitteront le lieu et le projet, emmenant leur clientèle, entrainant la maison du bien-être à rechercher en permanence des locataires et des clients.

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